A QUOI BON ? Une réponse à l’arrêt anti loyers-Covid de la Cour de cassation, par Me Gilles Hittinger-Roux

4 juillet 2022


Un réponse à l’arrêt anti loyers-Covid de la Cour de cassation

A quoi bon ?

Tous avaient beau s’attendre au pire, aucun commerçant n’imaginait ce résultat. Car l’arrêt rendu jeudi dernier par la Cour de cassation est une gifle à tous les détaillants traités de «non essentiels» (autrement dit superflus) qui ont subi la double peine : privation de chiffre d’affaires et paiement du loyer ; le ministère de l’Economie ayant au passage fourni aux magistrats un mémoire à charge vantant les aides du Gouvernement… y compris pour ceux, comme Action pris en exemple dans cette jurisprudence, qui n’y avaient pas droit ! La suite va s’écrire devant la Cour de justice de l’Union européenne (Cjue), prévient Me Gilles Hittinger-Roux dans cette diatribe sans concession, en défense de son genre préféré : les enseignes.

A quoi bon continuer ?

Un Indice des loyers de commerce qui est incapable de baisser pendant l’arrêt de toute activité et qui flambe aujourd’hui.

A quoi bon continuer ?

Une clientèle introuvable, un taux de fréquentation sans commune mesure avec celui que nous connaissions avant la crise ; et pourtant les demandes de révisions sont boudées par les juridictions ou les experts.

A quoi bon continuer ?

Relancer les cœurs de villes avec l’Etat, les départements, les régions ou l’Institut pour la Ville et le Commerce, alors qu’au sommet de l’Etat, Amazon et autres pure players sont en odeur de sainteté.

A quoi bon continuer ?

 rembourser les Pge, puisqu’un dépôt de bilan «technique» permet de se libérer de sa dette.

Sans relâche !

Sont en revanche les engagements auprès des fournisseurs, des salariés, des banquiers seront tenus.

Sans relâche !

Seront poursuivies les procédures contre l’arrêt de la Cour de cassation du 30 juin ; car l’article 1722 du Code civil n’a pas encore livré toutes ses ressources – notamment dans l’appréciation du «lien direct» entre des grilles fermant une galerie marchande et la destination contractuelle d’un magasin.

Sans relâche !

Nous ferons valoir les devoirs de coopération et la «bonne foi» qui ne peuvent se limiter à quelques mois de délais de paiement, alors que l’arrêt de toute activité appelle bien plus qu’un simple étalement.  

Sans relâche !

Nous protégerons le contrat, car l’application de la règle préconisée par la Cour, loin de favoriser la force obligatoire du contrat, ne fait que l’affaiblir. Les obligations doivent être réciproques et équilibrées à défaut, elles trouveront nécessairement un terme avant la durée initialement prévue ? Déjà, la Cass. avait pêché dans une décision du 15 décembre en exonérant de toute responsabilité un bailleur de centre commercial qui avait «vendu» un mall haut de gamme mais ne l’assumait plus, laissant au locataire le soin de se débrouiller avec la pauvre fréquentation en genre et en nombre.

Sans relâche !

Nous ferons valoir la législation européenne, et notamment l’article 15 portant sa Convention des droits de l’Homme, renforcée par les juridictions allemandes et hollandaises qui retiennent intelligemment le principe du partage entre bailleurs et locataires. Cette décision qui est censée purger et apaiser les parties est d’autant plus malvenue que le scénario d’une flambée de mécontentement couve sous la cendre.

Comme Cassandre,

J’avais le 2 avril 2020, à moins d’une prise de position immédiate, prévu et prévenu par lettre la Garde des Sceaux de l’imminence d’un contentieux de masse. Réponse ? Purement et simplement administrative !

Comme Cassandre,

J’avais anticipé la réponse de la Cour de cassation en retirant la question posée par le tribunal judiciaire de Chartres, afin de favoriser des accords dans le cadre des médiations.

Messieurs les magistrats de la Cour de cassation :

Relisez les premières lignes de Descartes affirmant que «le bon sens est la chose du monde la mieux partagée.»

Relisez ces vers de l’Alceste du «Misanthrope» : «Quelque sensible tort qu’un tel arrêt me fasse / Je me garderai bien de vouloir qu’on le casse / On y voit trop à plein le bon droit maltraité / Et je veux qu’il demeure à la postérité / Comme une marque insigne, un fameux témoignage / De la méchanceté des hommes de notre âge.»

Relisez les plus belles pages du «Flexible Droit» de l’immense jurisconsulte qu’était Jean Carbonnier sur la place des magistrats et du justiciable.

Venez entendre le désespoir du dirigeant d’entreprise du commerçant et de l’artisan confronté au commandement visant la clause résolutoire.

Inlassablement, je continuerai de plaider devant les premiers juges pour faire prévaloir la justice distributive et la bonne foi dans l’exécution du contrat. Ma Robe ne portera jamais le deuil du commerce ; elle restera lumineuse comme le noir de Pierre Soulage.

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