M. DESSOLAIN : CENTRES COMMERCIAUX : DÉCLIN ANNONCÉ, MAIS SUCCÈS CONFIRMÉ !

10 juin 2025


Il y avait de quoi pendre peur ! Entre l’avènement du e-commerce, le retail bashing, le Covid et l’inflation, on ne donnait pas cher de la peau des centres commerciaux… sauf ceux qui les connaissent si bien et qui les aiment. Michel Dessolain, ancien directeur du développement d’Habitat, ancien membre du directoire et ancien membre du comité de surveillance d’Urw, où il est rentré en 97 comme directeur général de la division Shopping Centers, fait partie de ceux-là. Pour lui, aucun doute : le centre commercial, c’est l’avenir !

La pandémie de Covid a servi d’accélérateur et de stress test : oui, les centres commerciaux ont prouvé leur résilience. La fréquentation et les chiffres d’affaires dépassent les niveaux de 2019, les taux d’occupation les 95  %. Les grandes enseignes, devenues très sélectives, se focalisent plus que jamais sur les meilleurs sites. Déjouant les pronostics les plus pessimistes, le centre commercial, que l’on disait moribond, a donc su se réinventer, et, c’est heureux, séduire les jeunes : malgré qu’ils achètent en ligne, 74 % des Gen Z et 70 % des Millenials aiment acheter en magasin (Sociovision 2024).

Dans les années 80, créer un centre commercial relevait d’une recette bien rodée, comme l’expliquait Jean-Louis Solal, mon mentor : un grand terrain accessible, de vastes parkings gratuits, un hypermarché et un grand magasin comme locomotive, quelques moyennes surfaces incontournables (Fnac, Darty, Habitat, C&A Go Sport…), et parfois un cinéma. Portée par l’explosion de la distribution spécialisée, les boutiques, qui se commercialisent très vite, sont dominées par un équipement de la personne qui représentait jusqu’à 60 % de l’offre… et les deux tiers des loyers.

Les années 2000 marquent, en France, un tournant. Les grandes enseignes internationales arrivent, d’abord européennes, puis américaines. Elles injectent une énergie nouvelle, attirent un nouveau public. La distribution spécialisée, et particulièrement le segment populaire, se développe vite, trop vite. Souvent sous l’impulsion de fonds d’investissement qui financent la croissance par la dette. Certaines enseignes ne peuvent plus rénover leurs magasins, ni rationaliser leur réseau. Résultat : des parcs de magasins de qualité inégale, des marques fragilisées. Certaines, on l’a vu, ne s’en remettront pas.

Viennent les années 2010 : l’essor d’Amazon secoue le modèle. Le e-commerce s’impose par sa flexibilité, sa transparence et sa praticité, et Le retail bashing  fait la loi. Le centre commercial, voué aux gémonies, est décrit comme dépassé, moribond, pour ne pas dire mort et enterré. Pourtant, les gestionnaires comprennent que physique et digital ne font qu’un : le commerce de demain sera omnicanal.

Le décors a donc changé. L’équipement de la personne s’est réduit, parfois sous les 30 %, au profit du sport, de l’hygiène-beauté, des loisirs, des Dnvb, et de la restauration… qui peut représenter jusqu’à 20 % de l’offre. Les hypermarchés réduisent leur surface. Les loisirs se diversifient (murs d’escalade, fitness, gaming…), les locomotives adaptent leur format (Inditex, Uniqlo, JD, H&M, Sephora…), tandis que des enseignes à petit prix redynamisent des zones faibles (Primark, Kiabi, Normal, Action, Lefties…).

Pour favoriser le lien social et l’ancrage local, le mall hybride son offre  : espaces enfants, co-working, pôles santé, lieux culturels… Les services se multiplient. Le click&collect et le ship from store s’organisent, avec des casiers automatiques, des zones de retrait… Objectif : générer du trafic, attirer une nouvelle clientèle, faciliter le parcours d’achat on et off-line. La programmation événementielle s’intensifie et se professionnalise : concerts, expositions, ateliers, jeux interactifs… On ne vient plus seulement acheter, on vient se divertir, se promener, vivre une expérience à partager sur les réseaux sociaux.

Mais le temps presse, car le futur n’attend pas, et d’autres mutations sont en marche : réduction de l’empreinte carbone, des choix de matériaux bas carbone et recyclables, végétalisation, biodiversité, mobilités douces, production d’énergies renouvelables… Plus encore : la révolution de la data, rendue exploitable par la technologie et l’IA. L’analyse des visiteurs et de leur comportement permettra de proposer à chacun une expérience inédite ; pour les marques et les commerçants de faire grimper les rendements comme jamais auparavant. Tourné vers l’avenir, le secteur n’oublie rien de la modernité : le retail media arrive, il a même déjà tourné le coin de la rue.

C’est vrai, tous les centres ne survivront pas. Secoué comme jamais, le secteur n’est plus aussi homogène que par le passé. Les centres de destination sortent déjà gagnant. Les moins bien positionnés verront leur vacance croître, leur image se dégrader et leurs loyers chuter. Les écarts de valorisation entre flagships et sites secondaires vont continuer à se creuser.

Mais non, le centre commercial n’est pas mort ! Il a plus que changé, il a prouvé qu’il savait s’adapter. Et les meilleurs sont plus vivants que jamais !

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