Démarré avec le début de la guerre en Ukraine, le choc inflationniste, incarné par la valse des étiquettes, a durablement marqué des Français devenus inquiets pour leur avenir. Malgré la stabilisation des prix, les chiffres d’affaires peinent à redécoller. Pour relancer la machine, il faudra renouer avec la confiance, écornée, du consommateur, analyse Laurent Landel, président de Bonial France.
Bonne nouvelle, l’inflation ralentit. Du moins, c’est ce qu’indiquent les chiffres officiels. Et pour la première fois depuis deux ans, les Français commencent timidement à le ressentir. En mars 2025, l’inflation perçue recule à 14 %, soit deux points de moins qu’en décembre dernier. Un signe encourageant ? Peut-être. Mais l’équation est loin d’être résolue.
Derrière cette amélioration globale, la réalité vécue au quotidien reste marquée par une pression persistante sur les dépenses essentielles. Les prix des achats dits “contraints” (logement, transport, charges…) continuent d’être perçus comme en forte hausse par 77 % des Français, dont 43 % estiment même qu’ils augmentent «beaucoup». Même constat pour l’alimentaire, vu comme en augmentation par 75 % des répondants (+ 2 points). Lorsqu’on regarde du côté des dépenses plaisir, la situation n’est pas plus rassurante : 68 % jugent ce poste de dépense plus cher qu’avant, un niveau inédit depuis le lancement du baromètre en 2023.
Ce paradoxe soulève une question : pourquoi le ressenti ne suit-il pas la courbe de l’inflation réelle ? La réponse tient à la structure même de la consommation. Les produits et services dont les prix stagnent ou baissent sont souvent invisibles ou peu fréquents dans le quotidien. À l’inverse, les dépenses qui rythment la vie des ménages, comme les courses, le règlement des factures d’énergie ou l’achat de vêtements, restent perçues comme en hausse. Or, c’est bien cette perception, bien plus que les indicateurs macroéconomiques, qui guide les comportements.
Plus profondément, il faut comprendre que les Français ont subi un véritable choc inflationniste, violent et brutal, qui a marqué leurs esprits. Comme tout traumatisme, ses effets perdurent bien après la fin de l’événement : une hypersensibilité aux prix marquée par une méfiance et une prudence durablement installées. On ne sort pas indemne de deux ans de hausses continues sur les produits essentiels. Il faudra du temps, et des preuves tangibles, pour rétablir la confiance.
Les conséquences sont déjà là : les intentions de changement dans les habitudes de consommation reculent à leur plus bas niveau depuis trois ans. Seuls 67 % des Français envisagent d’adapter leurs achats dans les semaines à venir, contre 81 % il y a un an. En parallèle, deux signaux forts émergent : 36 % des Français se disent plus attentifs aux prix (+ 4 points) et 31 % déclarent vouloir rechercher davantage de promotions (+ 2 points). Des hausses qui témoignent d’une vigilance renforcée et d’une adaptation ciblée, plutôt que d’un relâchement. Ce repli global ne traduit donc pas nécessairement une amélioration du quotidien. Il peut aussi révéler une forme de résignation, voire une normalisation du renoncement.
Autrement dit, l’inflation change peut-être de forme, mais elle ne disparaît pas, elle évolue. Moins explosive, plus insidieuse. Elle s’est installée dans les esprits, dans les habitudes et dans les arbitrages du quotidien. Une inflation en transformation, mais un pouvoir d’achat toujours sous tension.
Pour les entreprises, les marques et les distributeurs, cette dynamique appelle à une vigilance accrue. Comprendre les véritables points de friction, adapter les offres, redonner du pouvoir d’achat perçu : ce n’est plus un simple enjeu commercial, c’est un levier de réassurance. Pour renouer avec des consommateurs marqués, prudents, mais pas résignés, le rôle des enseignes est aussi d’adapter leur communication commerciale, en s’adressant aux bonnes personnes, au bon moment, avec le bon message.
Source : Baromètre OpinionWay pour Bonial « Du pouvoir d’achat au vouloir d’achat » vague 13
